Mieux être · Mieux vivre · Mieux travailler
écrit à 4 mains avec Joëlle Bernier
Oui, nous avons envie de participer à ce projet qui nous parait être l’opportunité de concilier deux envies : celle d’exercer son métier, et celle de travailler avec des confrères. Alors nous nous investissons. Nous avançons dans le projet. Nous rencontrons la directrice de la maison sociale des apprentis d’Auteuil. Nous faisons connaissance avec les résidentes, à qui nous présentons notre métier et notre proposition d’accompagnement. Et nous sommes rapidement confrontées à des questions relatives au cadre et au contexte de ces interventions.
Dans ce projet, le coaching solidaire c’est intervenir auprès de personnes que nous imaginons en demande d’un accompagnement dans la recherche d’un travail pour un retour à une vie sociale, sociétale, et qui ne peuvent pas s’offrir cet accompagnement pour des raisons pécuniaires.
Il semble donc que nous associons le bénévolat, la gratuité de notre intervention, au cadre dans lequel nous allons exercer : une fondation qui accueille des femmes avec leurs enfants, des mamans isolées et momentanément dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins. C’est notre projet de coaching solidaire. Nous nous rendons vite compte que pour chacun de nos confrères investis dans ce projet, la définition est propre à chacun. Singulière. Et, nous engage systématiquement dans de longues discussions philosophiques. Une conclusion s’impose : il n’y a pas de coaching solidaire, mais des coachs solidaires.
Robert (le Petit), et d’autres, nous ont précisé qu’être solidaire c’est être attaché les uns aux autres, de manière que chacun réponde du « tout ». Autrement dit être solidaire, c’est être responsable ensemble d’une même chose, d’en répondre d’un commun accord. De là à passer à la solidarité, qui suppose que ce « tout », que cette « même chose » soit une cause reconnue (par ceux qui sont solidaires) comme devant être défendue, et nous arrivons sans peine au sujet de l’engagement. Alors, décider de s’engager dans le projet des coachs solidaires auprès des résidentes de la maison sociale des apprentis d’Auteuil, est-ce que c’est s’engager envers les coachs du projet, la fondation des apprentis d’Auteuil, les résidentes, autre chose, un autre « tout » ? A chacun sa réponse. Elle se situe où, la vôtre ?
Robert, toujours lui, nous annonce que quelqu’un de bénévole, est quelqu’un qui fait quelque chose sans obligation et gratuitement. Dans le cadre de notre intervention auprès des résidentes de la maison sociale des apprentis d’Auteuil, il est clair que nous intervenons sans obligation (encore une question …), et notre intervention ne reçoit aucune contre-partie d’ordre pécuniaire. Nous sommes donc bien dans le cadre du bénévolat. Nous faisons un don. Le prix de notre intervention de coach. Et ce don, nous le faisons à qui ? La réponse est pourtant simple … Aux résidentes… Ou aux référentes… Ou à la fondation des apprentis d’Auteuil…La réponse n’est pas si simple à trouver. Elle se pense plutôt a contrario : qui aurait payé la facture si notre intervention avait été payante ? A qui avons-nous soumis notre proposition d’intervention ? A la directrice de la maison sociale. Et donc, à la fondation des apprentis d’Auteuil. Nous sommes donc des coachs bénévoles auprès de la fondation des apprentis d’Auteuil. Nous faisons le don de notre intervention auprès de la maison sociale des apprentis d’Auteuil, et ce don prend la forme d’un accompagnement auprès des résidentes.
La boucle est bouclée : nous faisons un don auprès de la maison sociale des apprentis d’Auteuil, et nous sommes engagés dans une démarche solidaire pour défendre une cause, celle de la maison sociale : accompagner un bout de chemin les résidentes vers un retour à la vie indépendante financièrement et socialement.
D’où vient cette impression étrange que cette mission d’accompagnement va être particulière pour chacun d’entre nous ? Nous sommes pourtant tous d’accord sur le principe que nos interventions sont des missions de coaching dans le cadre du COS : professionnel. L’objectif est de trouver un emploi. Et pourtant. Quelque chose dans l’accompagnement de ces femmes nous questionne. Nous ne sommes pas indifférents. Alors, en quoi et comment cet accompagnement serait si particulier ? Peut-être que le contexte n’est pas si anodin que cela. Intervenir auprès de personnes qui, a priori, sont dans une grande difficulté de vie, peut-être seules, peut-être dans une détresse familiale… Bref une histoire qui alimente notre fantasme de coach qui va sauver le monde. Une histoire qui vient titiller notre compassion. Un sentiment, qui visiblement, embrouille les esprits des coachs solidaires. Comment va-t-on se débrouiller avec cette compassion, alors qu’il s’agit en accompagnement, d’être en empathie ? Y a-t-il vraiment un monde entre les deux ? La pratique nous le dira, surement. Le travail sur soi, certainement, aussi. L’échange entre pairs (solidaires ?), indiscutablement.
Publié dans la NewsLetter du COS© de février 2013 http://static.coachingorientesolution.com/nl/9 .html